Addictions dans le milieu gay – Témoignage d’Amine

Deuxième témoignage d’une série de 3 témoignages sur les addictions dans le milieu homosexuel.

Je suis originaire de Lyon, et fumant des joints de temps en temps, mes années lycées ont été marquées par le cannabis. Je n’ai gardé contact avec presque personne du lycée, si ce n’est Amine. Un ami gay, comme moi, que j’ai rencontré en 1ère et avec qui je me suis vite rapproché (sûrement parce que je me sentais plus en confiance du fait de notre homosexualité commune, même si nous ne nous la sommes avouée qu’à la fin de la terminale).

Avec Amine au lycée, j’ai passé des soirées à refaire le monde, posé dans la voiture, à fumer des joints sur un parking. Les fumeurs connaissent bien ce move.

cannabis-dependanceC’est donc tout naturellement que je l’ai contacté pour un témoignage, quand j’ai décidé de faire ma série d’articles sur les addictions dans le milieu gay. Voici donc son histoire :

J’ai eu une adolescence plutôt difficile : j’ai toujours su que j’étais gay, mais je n’ai pu l’accepter que très tard… D’ailleurs, Alex (l’auteur de l’article) a été la deuxième personne a qui je l’ai dit après ma cousine, et pourtant à l’époque, je leur disais que j’étais bi, parce que je ne voulais pas me rendre à l’évidence.
Donc j’avais toujours ce poids, cette culpabilité, cette sensation de différence dès mon entrée au collège. Puis… Il y avait la famille aussi. Difficile, éclatée, totalement fermée d’esprit. Un père alcoolique, une mère totalement effacée et dépressive. Cela ne m’a pas aidé à me développer comme je l’aurais souhaité, même si j’ai toujours su que j’arriverai loin, tout seul, sans l’aide de personne.

Et finalement, c’est ce que j’ai fait ! Je suis maintenant prof d’espagnol en collège, j’ai fait mon coming out depuis bien longtemps à tout le monde, même à mes parents qui ne l’ont pas accepté (surtout mon père qui, je pense ne l’acceptera jamais), mais tant pis, il fallait. J’ai un copain aussi, depuis 2 ans. Et des amis que je chérie au plus haut point, car ils ont toujours été là pour moi. Bref, tout va bien dans ma vie. Enfin… Presque tout ! 

En effet, voilà maintenant 10 ans que je fume quotidiennement. Avec des hauts et des bas : des périodes à un joint par jour (rares), d’autres à deux joints (nombreuses) et parfois même à trois joints par jour dans les moments difficiles ! 

cannabistrain

Alors certes, je ne fume que le soir et cela ne m’a jamais empêché de me débrouiller, de parvenir à être quelqu’un de bien, de travailler, de me lever tous les matins pour aller au lycée, à la fac, au travail… Mais au final, cela me pèse. Fumer tous les jours depuis 10 ans ça veut dire voir la vie à travers un prisme : celui du cannabis. Cela veut aussi dire que toute sa vie, on tire un boulet : le boulet de l’échec. 

Avec le recul, j’ai compris. Je n’ai pas fumé juste pour faire comme tout le monde. Sinon j’aurais déjà arrêté.


J’ai fumé parce que dans ma tête c’était la guerre. Dans ma vie rien n’allait. J’étais totalement paumé, et cela me permettait de m’évader.

Aujourd’hui, cela me permet toujours de m’évader. Je me dis aussi que la fumette me donne le recul nécessaire sur ma vie que je n’aurais pas sinon… En fait je me trouve des excuses. Car il est clair que je pourrais m’évader sans cette merde. Il est clair que je pourrais prendre du recul, malgré tout, sans cette merde. Mais je suis enfermé dans mes routines, et j’ai l’impression de me couper parfois totalement du monde. Je me remets en question à outrance, et cela me rend malheureux car la remise en question, c’est comme tout : avec excès cela devient totalement nocif. Et puis voilà… J’ai l’impression que le cannabis me fait parfois sombrer dans des périodes de dépressions intenses, sans explication. Qu’à cause de ça, j’ai des sautes d’humeur incontrôlables et que je peux parfois être très désagréable (et notamment avec les gens que j’aime le plus)… J’ai peur de finir bipolaire ou totalement schizo… Mais je me dis que tant qu’on redoute cela, c’est qu’on ne l’est pas encore.

cannabisaddictBref… J’en ai juste marre. Donc j’ai (enfin) décidé de me prendre en main. Pour mon chéri que j’aime par dessus tout, pour mon métier q
ui me comble… Pour ma vie, en fait ! Alors c’est dur, ça va être un long chemin, mais je vais y arriver. J’ai décidé d’y arriver et j’y arriverai. Je vais laisser le passé derrière, celui que l’on connaît tous du chemin difficile vers l’acceptation.

Pour conclure, je suis sûr que le fait de ne pas se sentir aimer de part sa sexualité, notamment lorsque l’on est adolescent, cause des ravages. Beaucoup d’entre nous finissent dans la drogue. J’ai de la chance, j’ai fini dans le shit. Ca aurait pu être pire… Mais j’ai envie de dire à tous les jeunes qui sont mal dans leur peau à cause de leur sexualité : laissez vous le temps. Ne pressez rien. Au pire, vous n’allez pas en crever. Vous êtes mal maintenant mais vous verrez, votre futur sera superbe. C’est un long chemin à parcourir que de s’accepter tel que l’on est, mais ne vous laissez pas aller aux dérives qui vous apaisent. Car au final, elles finiront par vous bouffer.

Amine m’a envoyé ce témoignage mi-août. Aujourd’hui, nous sommes le 14 septembre et j’ai pris de ses nouvelles hier. Il ne fume plus depuis 2 semaines, et espère que cela continue dans le temps. C’est tout ce qu’on lui souhaite.

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